Tout Atout, interface entre le culturel, l’artistique et le social
1989 - 1990
Les prémices
Tout Atout est une vieille association rennaise. Née en 1989, à l’époque où le Ministère de la Justice débloque des fonds pour des actions de lutte contre l’illettrisme en faveur des jeunes suivis par ses services, André-Georges Hamon, directeur d’un foyer de ce que l’on appelle alors l’Education Surveillée, passionné d’art et de culture, est convaincu que des actions artistiques et culturelles peuvent apporter à des jeunes en difficultés une ouverture, un mieux-être, une affirmation de soi, qu’elles peuvent « dynamiter les blocages, débloquer les processus d’apprentissage ». Il fait appel au GRIF, centre de formation spécialisé dans l’insertion et la lutte contre l’illettrisme, et à plusieurs artistes reconnus (un comédien/metteur en scène, une danseuse- chorégraphe, un vidéaste, un musicien, une marionnettiste, et un libraire BD), afin d’élaborer un projet.
Il est décidé d’offrir aux jeunes un panel de propositions artistiques au nombre desquelles ils pourront choisir celle(s) qui les attire(nt). Un formateur du GRIF assure la coordination pédagogique de l’ensemble afin que l’objectif de l’action ne soit jamais perdu de vue : puisque ces activités artistiques sont censées permettre aux jeunes de se reconnaître des atouts, des capacités, des savoir-faire, voire des talents, on parie qu’ainsi ils pourront se positionner de façon positive quant aux apprentissages de base, mais aussi dans leur environnement. C’est le GRIF qui les accompagne dans le passage vers une démarche de formation, ou de recherche de contrat (apprentissage, qualification, travail) parfois aussi de réintégration scolaire.
L’Atelier Pluriel naît. Il fonctionne selon les mêmes principes, avec deux intervenants artistiques et, toujours, un formateur du GRIF, qui, interface entre les jeunes, les artistes et les travailleurs sociaux, est le garant du respect des objectifs fixés. Il organise régulièrement des temps de bilan avec les participants et leurs référents sociaux afin de vérifier la pertinence et, si possible, l’impact de l’action.
Dans un souci de mixité et d’ouverture, l’Atelier Pluriel, même s’il fonctionne dans les locaux de ce qui est devenu la Protection Judiciaire de la Jeunesse, est ouvert à tout jeune pour lequel il peut être bénéfique. C’est ainsi que débute la constitution du réseau de partenaires de l’association. L’action se déroule sur une année, et donne des résultats satisfaisants. Il est donc décidé de la reconduire, sous une forme plus modeste toutefois : même si André-Georges Hamon a un réseau relationnel très important et une grande force de conviction pour obtenir des fonds, il faut réduire le nombre d’intervenants afin de diminuer les coûts.
Les principes de base restent toujours les mêmes, mais l’action est chaque année différente, en fonction des artistes et de leurs pratiques, du groupe, des idées, des envies, du potentiel des uns et des autres. Après des discussions animées, il est décidé que l’Atelier Pluriel donnera chaque année lieu à une restitution publique. C’est ainsi que les jeunes présenteront leurs créations (expositions, recueils de photos, lectures, vidéos, pièces de théâtre…), d’une réelle qualité artistique, devant un public nombreux, toujours surpris et admiratif. L’association Tout Atout sera créée juridiquement et proposera diverses activités, sous d’autres formes : théâtre, radio, BD…
L’insertion par l’action culturelle que nous développons depuis plusieurs années à Rennes n’a pas simplement l’aspect d’une « danseuse » née dans l’esprit d’un « allumé », mais est bien le résultat d’une réflexion menée sur le terrain par des gens qui souhaitent apporter aux jeunes une autre réponse aux problèmes qui perturbent leur quotidien, leur espace d’existence.
Les années 2000
Zone de turbulence
En 2002, suite à une circulaire administrative, il n’est plus possible pour Tout Atout de continuer à fonctionner au sein de la PJJ, ce qui signifie la perte de ses locaux et une partie de ses moyens financiers et humains. A partir de ce moment, l’association connaît une période de quasi inactivité. En 2005, sous la présidence de Gérald Mereuze, l’association est relancée avec le soutien financier de collectivités territoriales, et de l’Antipode MJC qui accepte de l’héberger. En 2006, une première salariée est embauchée en qualité de chef de projet dans le cadre du contrat d’accompagnement à l’emploi. L’association, avec un nouveau bureau, un nouveau conseil d’administration et une salariée, s’organise et trouve les moyens nécessaires pour mettre en œuvre rapidement des actions et mobiliser son réseau de partenaires tout en l’élargissant. Doté de nouveaux moyens, Tout Atout met en œuvre trois chantiers qui regroupent les aventures d’art et de création proposées aux jeunes et fait vivre son réseau avec le forum culturel.
A cette époque, Tout Atout se donne pour mission première « l’insertion individuelle et sociale des jeunes en difficulté par l’action artistique et culturelle ». Elle s’appuie sur le postulat selon lequel « l’art et la culture participent au processus de construction individuelle et collective tout au long de la vie de chacun et notamment dans l’étape complexe qu’est le passage de l’adolescence à l’âge adulte ». L’association occupe une place singulière, « à la croisée des champs sociaux, culturels et artistiques ». N’étant « ni une structure éducative, ni une organisation artistique ou culturelle », elle se propose de développer « un espace expérimental sensible entre le social et le culturel ». Elle propose ainsi sur le territoire rennais à des personnes fragilisées (adolescents et jeunes adultes) d’aller à la rencontre des acteurs de la vie culturelle locale et de participer à des projets artistiques. Elle vise également à « animer et développer un réseau de réflexion et d’action, commun au champ artistique et au champ social, au bénéfice des jeunes et des professionnels ».
Une deuxième personne est recrutée en tant que coordinatrice socio-éducative. Son rôle consiste à accompagner les bénéficiaires et assurer le suivi des actions. Après son départ, l’intitulé du poste change : on recherche dorénavant un médiateur culturel afin d’assurer la médiation entre les jeunes, les artistes, les partenaires (culturels et sociaux) et coordonner les actions.
2010-2018
Un pas vers la formation
En 2012, le projet global de Tout Atout est questionné par une étude de cas mené par deux sociologues, Yves Bonny et Raphaëlle Mamane, dans le cadre du programme de recherche « la Fabrique du Social » du Collège Coopératif de Bretagne. Ce travail permet à l’association de revenir sur son histoire et met en perspective de nouvelles évolutions. A la fin de l’année, l’équipe salariée se renouvelle ; deux personnes sont recrutées sur les postes de médiation et de coordination. Dans ce contexte, l’association se donne pour objectif de consolider ses acquis et donner un nouveau souffle à son projet.
Les trois axes de l’activité ne changent pas, les principales actions non plus. En revanche une nouvelle orientation apparaît : l’insertion professionnelle et la notion de compétences.
«Il ne s’agit pas ici de se substituer à des structures spécialisées dans l’insertion professionnelle mais plutôt d’ouvrir d’autres perspectives pour leurs bénéficiaires. Pour certains, une approche abstraite de l’art et de la culture n’a pas d’impact alors qu’une approche utilitaire est plus mobilisatrice. Elle permet la valorisation directe de compétences acquises ou en cours d’acquisition, et ouvre à d’autres champs professionnels d’applications et à d’autres milieux sociaux pour trouver des débouchés. »
2018
Révision du projet associatif
En 2018, la structure conserve sa démarche singulière et originale en restant fidèle à ses fondements d’origine. Les démarches d’évaluation mises en place ces dernières années confortent la pertinence des actions menées et agissent comme un outil d’amélioration continue. Fort de cette expérience, l’équipe salariée a enrichi son capital confiance mais aimerait désormais mieux valoriser ses savoir-faire et compétences.
Une perspective de changement d’échelle nécessiterait de revoir l’organisation et au préalable de clarifier l’ambition stratégique et le modèle économique. Or le discours sur le projet est encore peu unifié et, même si Tout Atout développe de façon continue son cercle de partenaires, une majorité d’entre eux conserve des difficultés d’appropriation de ce que fait l’association. Par ailleurs, l’évolution permanente des actions menées renforce l’instabilité et le caractère éprouvant des postes de travail. Les bénévoles (hors représentants des structures partenaires) ont du mal à trouver leur place. Le flou des processus relationnels n’encourage pas la venue de nouveaux administrateurs bénévoles dans un Conseil d’administration qui s’appauvrit. Il a besoin de soutien et d’oxygène pour mener à bien une réflexion de fond sur le projet politique beaucoup porté et animé à ce jour par les professionnels. Ces derniers nourrissent, quant à eux, des ambitions d’autonomie (réflexion d’une évolution du statut juridique de Tout Atout en SCIC ou en SCOP).
L’association décide de faire appel à un consultant dans le cadre d’un Dispositif Local d’Accompagnement.
C’est Vincent Lalanne, consultant spécialisé dans les droits culturels, qui se voit accompagner l’équipe dans ses réfléxions. A l’issue, il en conclut que Tout Atout est « une petite structure qui accomplit de grandes choses », à l’origine d’une démarche singulière qu’il n’a jamais vu ailleurs, résolument ancré dans le champs de l’Economie Sociale et Solidaire. Les grandes lignes qui ressortent de ce rapport fondent les perspectives de trois années (2019/2020/2021) et marquent un tournant dans l’histoire de l’association :
- Abandon du principe de libre participation des jeunes au profit de la volonté de s’engager
- Elargissement des publics concernés (mise en place de pré requis, développement des attestations de compétences)
- Evolution et développement des projets
- Concrétisation de la sortie des dispositifs en développant la préprofessionnalisation
2019-2021
Années charnières
Suite aux perspectives identifiées grâce au DLA, l’équipe travaille à leur concrétisation.
Dans un premier temps, l’objectif est de trouver les financements pour la création d’un troisième poste dans l’association. Ce poste fonctionnerait comme une courroie de transmission avec les prescripteurs qui assurent le suivi des jeunes vers la formation et l’emploi. La Ville de Rennes et la Métropole conventionnent avec l’association afin de lui prouver son soutien financier. Il s’avère que pendant ces temps de négociation, la Région Bretagne évoque l’intérêt de soutenir l’action Fait Main en tant que formation pré-qualifiante. Cette piste conforte l’objectif de devenir organisme de formation.
En 2020, tout Atout recrute une Chargée d’accompagnement social et d’insertion à temps partiel. Ce poste permet de renforcer l’accompagnement individuel des jeunes et de soulager l’équipe. L’équipe développe un travail autour des compétences et renforce son accompagnement vers l’insertion professionnelle des jeunes. En 2021, l’association devient officiellement organisme de formation et est certifiée QUALIOPI, la même année. Le projet Fait Main devient la première formation préqualifiante proposée par l’association.